In memoriam : Pierre Messmer

La disparition de Pierre Messmer le 29 août 2007, à l’âge de 91 ans, a donné lieu à des louanges unanimes. Les chroniqueurs ont retracé les étapes d’une carrière exceptionnellement riche et diverse au service de la France.

Héros de la France libre, tête froide, très courageux (de Gaulle), Pierre Messmer avait reçu sur son front, à la naissance, une goutte d’or, celle qui permet à l’homme promis à un grand destin de traverser toutes les épreuves (Maurice Druon, discours de rentrée à l’Académie française, octobre 2005).

L’ancien ministre des Armées du général de Gaulle (1960-1969), puis ministre d’Etat et enfin Premier ministre de Georges Pompidou (1972-1974) a écrit plusieurs livres relatant les événements dont il avait été l’acteur ou le témoin direct. Leur lecture, pleine d’intérêt, est servie par une expression claire, précise, fluide. Le premier, Après tant de batailles…, mémoires - Albin Michel 1992, est aussi le plus complet. Cependant, si à cette date, Pierre Messmer n’exerçait plus de mandats électifs nationaux (il a été député de la Moselle de 1968 à 1988) ni locaux (maire de Sarrebourg de 1971 à 1992, etc.), il allait vite être appelé à d’autres fonctions prestigieuses, parmi lesquelles : président de l’Institut Charles de Gaulle (1992-1995), membre de l’Académie Française (1999), Chancelier de l’Institut de France (1998-2005), Chancelier de l’Ordre de la Libération.

Dans les courriers des lecteurs ou sur Internet, on a pu lire que certains lui imputent une responsabilité particulière dans le drame des harkis, à l’indépendance de l’Algérie. C’est méconnaître que le Général de Gaulle décidait lui-même de la politique algérienne sous tous ses aspects et avait nommé pour la mettre en œuvre un ministre des Affaires algériennes (Louis Joxe). Le Général considérait que la France ne doit plus avoir aucune responsabilité dans le maintien de l’ordre après l’autodétermination (cité par Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard 1994). Pierre Messmer a cependant été lui-même très affecté par le drame et s’est toujours reproché de ne pas l’avoir anticipé, ni suffisamment mis en garde le Général. Bien qu’ayant beaucoup voyagé après son départ du gouvernement, il n’est plus jamais retourné en Algérie.

Après 1945, Pierre Messmer avait pu réaliser sa vocation et entrer dans la carrière à laquelle il s’était préparé, l’administration coloniale : J’aimais ce métier à aucun autre pareil une administration d’une qualité exceptionnelle...

Reçu en 1934 au concours d’entrée à l’Ecole Coloniale, à l’âge de 18 ans, il en sortit breveté en 1937. L’école était devenue entre-temps Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer (ENFOM). Parmi les cours communs de la section africaine et malgache, la sienne, figuraient l’étude du malgache et d’une langue Africaine. Pierre Messmer était donc également diplômé de Langues'O (malgache 1937). Les connaissances linguistiques acquises pouvaient en effet être d’un intérêt certain dans l’approche et la compréhension de sociétés très exotiques et de tradition essentiellement orale.

Pierre Messmer gravit très rapidement tous les échelons de la hiérarchie administrative de la F.O.M. Il joua auprès de Gaston Defferre un rôle actif dans la préparation de la Loi-Cadre (23 juin 1956), étape décisive vers l’autonomie des territoires d’outre-mer. Retourné dès avril 1956 sur le terrain, il assura sa mise en œuvre comme haut-commissaire au Cameroun, puis haut-commissaire général de l’Afrique Equatoriale Française et enfin haut-commissaire général de l’Afrique Occidentale Française à la veille des indépendances, avant d’être appelé au gouvernement par le Général de Gaulle.

Longtemps après son départ de l’exécutif, Pierre Messmer était encore souvent consulté au sujet des relations de la France avec les pays d’Afrique Noire. Son rôle dans la préparation des esprits à la dévaluation du Franc CFA (janvier 1994) a été significatif. Plus récemment, il avait discrètement critiqué les « Accords de Marcoussis », qui n’ont pas empêché le désastre Ivoirien.

Parmi les hommes politiques ayant eu une expérience du gouvernement de la France, Pierre Messmer était le dernier des gaullistes historiques et le meilleur connaisseur de l’Afrique.

Nils Robin


Sur RFO : Pierre Messmer et la décolonisation http://www.rfo.fr/player_audio.php3?iddoc=3779_3780_3781_&format=asx