Hugues-Jean de Dianous de La Perrotine

Hugues-Jean de Dianous naît à Lyon le 17 octobre 1914. Il fait ses études à la Sorbonne (Faculté des lettres, dont il est licencié, et Ecole nationale des Chartes, où il obtient le diplôme d'archiviste-paléographe en 1939) et à l'Ecole des langues orientales, où il suit les cours de nombreuses langues, très variées, bien au-delà de l'âge où on peut habituellement se dire étudiant... Il obtient par la suite le brevet du centre des hautes études d'administration musulmane et siège à l'Académie des sciences d'outre-mer.

Sa carrière diplomatique l'amène en Chine, en Syrie, en Afghanistan, à Chypre, en Turquie, au Kenya, en Mauritanie, au Sénégal, en Guinée-Bissao, au Cap-Vert. Ses mérites lui font décerner les Palmes académiques, la médaille de l'ordre national du Mérite et la croix de la Légion d'Honneur. Son attitude durant la guerre civile chinoise, en 1949, avait été saluée par la médaille d'honneur des Affaires étrangères. Après sa retraite de la diplomatie, il est notamment secrétaire général du centre d'études préparatoires aux organisations internationales et du centre d'études baltes de l'INALCO.

Il est membre honoraire du conseil d'administration des anciens élèves et amis des langues orientales, après en avoir été membre actif pendant de longues années, et adhérent de plusieurs amicales. Il rédige de nombreux articles pour notre Bulletin.

Il décède le 23 septembre 2008 en Australie occidentale, où il résidait chez son fils et sa belle-fille depuis 2005.


Des témoignages publiés dans le numéro de février 2009 du bulletin Orients :

Hugues Jean de Dianous est né à Lyon le 17 octobre 1914. Archiviste-paléographe, Conseiller des Affaires Étrangères, il a été en poste diplomatique ou consulaire en Chine, en Syrie, en Afghanistan, à Chypre, en Turquie, au Kenya, en Mauritanie, au Sénégal, en Guinée Bissau et en République du Cap-Vert. En plus des Palmes Académiques, de l'Ordre National du Mérite et de la Légion d'Honneur, il a reçu la médaille d'Honneur des Affaires Étrangères pour son attitude lors de la guerre civile chinoise, durant les combats de Haï-Hao, sur l'île de Hainan, en 1949.

Licencié en lettres, diplômé de l'École nationale des Langues orientales vivantes, titulaire du diplôme technique de bibliothécaire, breveté du Centre des Hautes Études administratives sur l'Afrique et l'Asie moderne et membre de l'Académie des Sciences d'Outre-mer. En 1985, il est traducteur et secrétaire général du Centre d'Études baltes à l'Institut National national des Langues langues Orientales et Civilisations civilisations Orientales orientales de Paris.

Son intérêt pour les langues ne se limitait aux langues orientales vivantes, mais aussi à toutes formes de dialectes et patois. Parmi ses livres se trouvait, entre autres, un livre volumineux de hiéroglyphes d'Égypte, une grammaire comanche, une grammaire aborigène d'Australie, une autre de wolof du Sénégal ainsi que des dictionnaires d'une langue à une autre sans passer par le français, dictionnaire copte-araméen, bref... le monde entier était sur les étagères de sa bibliothèque.

Après le décès de Claire, en janvier 1996, qu'il avait rencontrée et épousée en Chine en 1949, il séjourne de plus en plus souvent chez son fils, Jean-Marie, résident en Australie Occidentale, chez qui il s'installe définitivement à partir de 2005. Le changement avec la vie parisienne et ses échanges culturels est notable. Rien de tout cela n'y existe vraiment. Son seul ami, le Professeur Marchand (rencontré en 1996), sinologue et historien consacré entièrement aux navigateurs français du xvie et xviiie siècles, décédé en 2004, le laisse dans la solitude de ses souvenirs.

Malgré la présence de ses petits-enfants, de sa belle-fille japonaise, Emiko, et de Jean-Marie, les années suivantes ressemblent à un exil. Ses derniers mois à vivre, il ne lisait plus mais aimait que lui soit lu un livre qui lui était cher : Voyage autour de ma chambre, qu'il avait reçu comme prix de devoir de vacances en 1923. Il avait 9 ans.

Alors ces lignes du Tao de Lao-Tseu me viennent à l'esprit :

Sans franchir le seuil

Connaître l'univers

Sans regarder par la fenêtre

Entrevoir la voie du ciel.

Le plus loin on se rend

Moins on connaît.

Ainsi le sage

Connaît

Sans avoir besoin de bouger

Comprend

Sans avoir besoin de regarder

Accomplit

Sans avoir besoin d'agir

Jean-Marie de Dianous
(son fils)


UN PUR PRODUIT DES LANGUES O’

Voici déjà assez longtemps, j’avais eu l’occasion de relater dans ces mêmes colonnes quelques souvenirs du temps où, fraîchement doté d’un diplôme émanant de la rue de Lille, je découvrais, ébloui, un véritable Orient hors des livres. De grands aînés, prudents mais toujours enthousiastes, y guidaient mes jeunes pas sur les mêmes sentiers qu’ils avaient jadis frayés eux-mêmes à la suite de plus aînés encore. J’ai narré ce que fut, auprès de Marcel Grisard, consul général à Smyrne, mon initiation aux subtilités de la traduction du turc ottoman ou moderne. Hugues-Jean de Dianous était son cadet de quelques années et ami de longue date. Il fut son successeur dans cette même échelle du Levant. Je l’ai rencontré pour la première fois au cours d’une réception à l’ambassade de France à Ankara, à l’occasion de la visite du général de Gaulle, donc en octobre 1968. Mais les échos de sa renommée étaient parvenus depuis longtemps jusqu’à moi dans le milieu des Intras où le personnage était entouré depuis longtemps d’un halo de légende. En tout cas, cette brève rencontre sous les ors de la République au bord du Bosphore m’avait laissé ébloui : un tour du temps et des mondes mené tambour battant et verre en main, il savait tout…

Je l’ai revu l’année suivante sur la terrasse du consulat de Smyrne, dominant le Kordon et sa rangée de palmiers au bord du golfe aux lourdes senteurs d’eau, de figues et de tabac. Il y buvait je ne sais plus quoi, mais en tout cas des vers en provençal récités en alternance avec un ami félibre. Puis, lorsque son activité diplomatique le lui permettait, nous nous retrouvions dans ces fameux « voyages d’étude et d’information »  de l’Intra-Marine qui nous longtemps menèrent en uniforme de Finlande en Grèce et du Portugal en Turquie. Sa curiosité était sans borne, une remarque en entraînait une autre, emportant l’interlocuteur dans une concaténation de données hétéroclites de prime abord, mais qui prenaient peu à peu des formes inattendues, volutes de pensées s’étirant, s’enroulant, s’entrecroisant. On passait de la Baltique à la Birmanie, puis à la Guinée-Bissau. Plaisir de savoir, plaisir de communiquer.

Nous nous sommes bien souvent retrouvés à Paris au tournant de ce siècle. Lui, toujours disert, malicieux, curieux de tout.

Une longue vie bien remplie au cours de laquelle on n’imagine pas qu’il ait pu connaître une minute d’ennui.

Il nous manque déjà.

Jean-Louis Bacqué-Grammont
Directeur de recherche émérite au CNRS
Ancien Président de l’Association


L’inoubliable Monsieur de Dianous, l’érudit à la pensée claire !

Comment saisir un instant privilégié dans le cours d’une amitié sans faille ? C’est pourtant ce que nous tenterons de faire, en choisissant, parmi les images fugaces de nos souvenirs, celles qui ont marqué notre rencontre avec ce personnage exceptionnel que fut Hugues-Jean de Dianous de La Perrotine.

À l’occasion du 150e anniversaire de la publication du Kalevala, le 13 mars 1985 débute à l’École normale supérieure de Paris, la première partie du colloque : Le monde kalévaléen en France et en Finlande avec un regard sur la tradition populaire et l’épopée bretonnes ; la seconde partie se déroulera en Bretagne, à Riec-sur-Belon. L’amphithéâtre de la rue d’Ulm accueille un orateur hors du commun qui, pendant plus d’une heure, va faire revivre des personnages plus guère connus que des ouralistes, les traducteurs du Kalevala en français : Louis Léouzon Le Duc (1815-1889) et Jean-Louis Perret (1895-1968). Heureuse et symbolique conjoncture réunissant trois savants, chacun représentatif d’un siècle : si le premier vécut entièrement au xixe, le deuxième était pour l’essentiel du xxe, le troisième, leur apologiste, appartenait par son style au xviiie. La nature généreuse du conférencier - qui n’est autre que Monsieur de Dianous, on l’aura compris - le porte au partage, aussi, tout à sa passion de communiquer ses connaissances, se sent-il dégagé des mesquines contingences temporelles. Aux rappels pressants du modérateur l’invitant à conclure, il répondra chaque fois calmement « j’y viens, Monsieur ! ». Au désespoir du président de séance, mais pour le bonheur de l’auditoire, son temps de parole sera allègrement dépassé, presque doublé. Il faut lire dans les Actes du colloque le texte de cette conférence magistrale, il ne compte pas moins de 61 pages et 185 notes !

C’est le lendemain de ce jour mémorable, dans le train qui nous emmène vers le Finistère mystérieux, au cœur du pays bretonnant que nous allons véritablement faire connaissance. Peut-on imaginer causeur plus brillant qui alliait la courtoisie du diplomate à l’érudition du chartiste ? Sa passion philologique – il étudia jusqu’à cent langues - et son amour de l’histoire qu’il voulait synthèse, mais dont il savait éclairer en paléographe sourcilleux les ténébreuses arcanes, nous entraîna dans un voyage extraordinaire. L’Afrique, l’Asie, l’Europe où il avait servi le Quai d’Orsay, furent parcourues à pas de géant avec des arrêts prolongés sur la politique, la langue, l’écriture des peuples évoqués, assortis d’anecdotes savoureuses. Mes simples questions, qui n’étaient pas celles de l’empereur Jaune à son ministre Quipo, mais bien d’un élève à son maître, recevaient des réponses précises, argumentées, car il n’usait pas de ce subterfuge malhonnête consistant à répondre à une question par une autre qui est le fait des avaricieux, des retors ou des ignorants. L’une d’entre elles me revient en mémoire : lui ayant un jour demandé pourquoi le sanscrit n’était pas enseigné au lycée, à côté du grec et du latin, il me répondit que les tentatives faites dans le passé n’avaient pu être poursuivies faute d’enseignants, puis il ajouta d’un air entendu : « Évidemment, vous avez vous-même étudié cette langue ! » Ayant avoué mon ignorance, je m’enquis confus : « Et vous ? »  Surpris, il exhiba un livre à la couverture passablement fatiguée en déclarant : « Ma grammaire sanscrite, elle ne me quitte jamais ! ».